Présentation du projet

Les systèmes agricoles méditerranéens connaissent des pressions croissantes, notamment la croissance démographique, l'urbanisation, la demande croissante de produits de grande valeur et une forte concurrence pour la terre et l'eau (avec empiétement ou accaparement) (Dixon et al., 2010). En outre, certaines zones de l'intérieur connaissent un départ dramatique de leur main-d'œuvre active à travers la migration. C'est particulièrement le cas dans les terres arides et désertiques des pays du sud de la Méditerranée, où les sociétés traditionnelles explorent et valorisent de vastes terres arides grâce à des systèmes d'élevage d'origine basés sur les dromadaires, les systèmes de pâturage et différentes formes de déplacements. Ainsi, le projet proposé vise à décrire, comprendre et modéliser les trajectoires passées et récentes de ces « sociétés de dromadaire », identifier les principaux moteurs qui influent sur la dynamique sociale et les processus écosystémiques sur l'utilisation des ressources afin de proposer des alternatives socialement émergentes pour soutenir les activités humaines et leurs ressources locales.

Contexte et problématique

Le dromadaire et les palmiers sont les deux piliers principaux des systèmes agraires du nord du Sahara et des oasis (caractérisés par une pluviométrie moyenne <100 mm par an). Ces systèmes ont des fonctions multiples, même si les rôles spécifiques des dromadaires ont changé au cours des siècles: des fonctions de selles de chariot, de transport et militaires aux fonctions plus récentes de sécurité alimentaire avec valorisation de la viande et du lait. Les agriculteurs ont toujours pratiqué une utilisation extensive des ressources (végétation et eau), en raison de leur dispersion et de leur rareté. Dans le passé, les oasis étaient des carrefours commerciaux importants, reliées par les caravanes de dromadaires. Elles étaient le lieu de synergies et entretenaient les liens de parenté entre les sociétés établies et les nomades. Les premiers changements ont été le développement des palmiers sur des terres céréalières (bour) par les éleveurs de dromadaire, puis le développement de la motorisation au XXe siècle, avec ses effets collatéraux : développement urbain, croissance démographique et colonisation des sociétés nomades. À partir des années 1960, la plupart des sociétés camelines ont été établies et pratiquées des systèmes de culture. Ces changements ont engendré de nouvelles pratiques de mobilité, en fonction des ressources végétales disponibles et de l'accès aux puits.

De nos jours, le mode de vie familiale sous la tente est devenu rare et on observe une diversification des activités économiques qui façonnent les moyens de subsistance du ménage, tels que les activités non agricoles (commerce de petite taille, commerce de longue distance, transport et emploi salarié dans l'industrie minière).

Au cours des deux dernières décennies, des plans nationaux ont été développés et le troupeau de dromadaires a fortement augmenté pour atteindre environ 500 000 têtes au Maroc et en Algérie (FAOSTAT, 2016). Les nouvelles fonctions économiques (principalement la viande et le lait) connaissent un développement récent. Au-delà de ces changements, les éleveurs de chameaux ont indubitablement montré des capacités d'adaptation (technique et sociale) pour maintenir leur système et même grandir (Dedieu et al., 2008). De nos jours, les questions urgentes concernent les impacts de ces changements sur la durabilité de ces socio-écosystèmes en tenant compte de la vulnérabilité de leurs ressources. Les récentes logiques du marché relatives aux produits à base de chameaux peuvent induire des ajustements rapides concernant l'accès et l'utilisation des ressources et la réglementation globale de l'écosystème de pâturage. Nous pouvons déjà voir des chameaux paissant des parcours le long des routes (où le lait est vendu aux passagers) qui sont devenus des terres stériles. Dans tous ces changements, il faut également tenir compte des nouvelles aspirations sociales de la jeune génération. En résumé, ces zones connaîtront d'importants changements à venir liés au climat, à la mondialisation et à la marchandisation des échanges et aux changements locaux liés à la répartition des ressources et aux pratiques de mobilité

Questions de recherche

Notre proposition de projet vise à comprendre les facteurs clés de la dynamique de ces systèmes d’élevage et de leurs écosystèmes en répondant à des questions spécifiques :

Quelles sont les évolutions des stratégies et des pratiques de ces systèmes de chameaux et leur diversité en termes de fonctionnement notamment en matière de déplacement ou mobilité ?

L’émergence de la vente de lait et de la viande de jeune chamelon montre-t-elle des pratiques maitrisées et des mises en marché valorisant le travail de l’éleveur ?

Sont-ils en mesure de maintenir les multiples fonctions des écosystèmes broutés et leur résilience aux dangers climatiques?

Quelles peuvent être les tensions ou les contraires aux facteurs d'accord qui peuvent émerger de ces nouveaux modèles?

Principaux enjeux du projet

Cette proposition soulève les enjeux et les défis du développement rural pour les décideurs politiques en termes d’emploi et de sécurité alimentaire connaissant le succès récent de la viande et du lait de chameau au niveau national. D'un point de vue scientifique, les systèmes de dromadaires en termes de production et leur comportement spatial en conduite libre sont encore insuffisamment explorés. En outre, peu de recherches ont porté sur les différentes formes de commercialisation de ces produits qui sont encore à un stade précoce de l'organisation. Plus généralement, la contribution socio-économique et écologique de ces systèmes en termes de produits et de services aux différentes échelles locales n'a pas été bien étudiée pour permettre aux acteurs locaux et nationaux d'élaborer des actions cohérentes et durables pour ces zones. Par conséquent, cette proposition vise à fournir des éclairages sur ces systèmes et de leurs trajectoires au cours des dernières décennies afin d'aborder la durabilité des différents systèmes d’élevage et de leurs écosystèmes. Le projet propose d'examiner les changements majeurs (sociaux, économiques et techniques) qui ont affecté ces environnements au cours des dernières décennies en connaissant les rôles de l'élevage de chameaux dans l'occupation et la gestion des pâturages (le désert du Sahara représente environ 8 000 000 km² et couvre 10 pays) ; Des rôles qui n'ont pas été suffisamment pris en compte par la recherche, le développement et les décideurs publics. De plus, la recherche et l'action de nouvelles alternatives durables et productives dans les zones éloignées deviennent de plus en plus stratégiques.